mardi 1 juillet 2008

Sur le vif prodigue de Pierre Dhainaut



Confiance aux mains quand les regards défaillent,
elles ont peur autant qu'elles espèrent,
elles avancent : l'espace au bout des doigts,
le temps d'attiser l'air nocturne, s'éclairent
en chaque cicatrice, chaque silence, les premiers mots,
un poème en connaît-il d'autres? ceux qui nous engagent
à leur ressembler, téméraires, vulnérables,
à faire ainsi du moindre effleurement une rencontre
en lui apportant la chair vive, une parole aimante.


La dernière parution de Pierre Dhainaut
L'Abreuvoir / Editions des Vanneaux 12€.
Editions Les Vanneaux

lundi 30 juin 2008

Voix de la bienvenue...de Pierre Dhainaut

J'ai de nouveau rencontré cet humble et grand poète qu'est Pierre Dhainaut. Je souhaite donc bon vent à ce nouveau livre de Sabine Dewulf (aux éditions des Vanneaux) qui lui est consacré...
...Il a plu cette nuit,
c'est la première fois que je regarde,
jusqu'au silence qui résonne.

Sac, ressac, je ne juge pas,
l'instant demeure,
l'écume transparente.

Je m'interromps comme je parle,
en la marée,
chaque jour y a-t-il un jour de plus?

Le ciel n'est jamais vide, le sol nous porte,
on n'aperçoit aucun arbre,
on sait pourtant qu'ils sont proches.

Une marge, un rivage,
il n'y a de secret que le visible
épanoui...

4ème de couverture

C'est face à l'océan qu'il faudrait naître
afin que notre cri se mêle aux cris d'oiseaux,
au grand matin de la conscience, de la louange,
toujours nous serions disponibles. Une fois, une seule,
ici, fût-ce par tempête, avons-nous pris peur,
et la respiration, avons-nous cru pouvoir
la contenir ? Un appel sans frontière,
le monde, une arche, la mort s'y tiendrait à son rang...
Murs ou fenêtres lisses, étroits, est-ce encore
une chambre, dès que l'on y ramène un nouveau-né?
Nous n'osons pas le prendre entre nos bras :
l'arche est-elle autre part qu'en ce berceau
en ce sommeil de paix? Une force en émane,
la vie qui se donne à la vie plus qu'un rivage
aux vents perpétuels.

lundi 31 mars 2008

Pierre Dhainaut sur France Culture

L'émission Poésie sur Paroles du 30 mars 2008 nous proposait d'écouter Pierre Dhainaut : "Avec Pierre Dhainaut, à l'occasion de la sortie de Levées d'empreintes aux éditions Arfuyen : Forte de quelque 30 ouvrages publiés depuis près de 40 ans, l’œuvre de Pierre Dhainaut, inaugurée avec Le poème commencé (Mercure de France, 1969) apparaît de plus en plus comme l’une des œuvres majeures de la poésie française contemporaine). L’anthologie parue au Mercure de France en 1996, Dans la lumière inachevée, de même que le colloque qui lui a été consacré en 2007 à la Sorbonne, confirment la rrichesse et l’originalité de cette démarche dont le raffinement et la discrétion, proches de celles d’un Philippe Jaccottet, s’accommodent mal des tambours et trompettes dont nos oreilles sont pleines. Après Prières errantes (1990), Fragments et louanges (1993) et Introduction au large (2001) et Entrées en échanges (2005), Levées d’empreintes est le cinquième recueil de Pierre Dhainaut que publie Arfuyen." (France Culture)

Enfin ce serait oui...
Ce n'est qu'un souffle encore et un sourire
quand nous le nommons, que nos mains le prennent,
nous nous sentons soudain si maladroits.

Il vient de naître, il a toute confiance
en ceux qui s'approchent, qui se penchent : à sa venue
nous n'avons pas épanoui le monde.

Avec la vie nous n'avons pas donné
la parole de vie : le mot, le seul
qu'il conviendrait de dire, se refuse à trouer la gorge.

Chaque enfant nous invite, dès qu'il respire,
comme sur une plage où les vents jubilent sans réserve,
à l'écouter entre ses lèvres.

Décharger l'espace, l'air y serait libre,
libre aussi bien de se transformer en lumière,
nous l'apprendrons de lui en prononçant

la syllabe frêle, chaleureuse, enfin ce serait oui.



Poésie sur Parole (France Culture, le 30 mars 2008)






Offrir et ne jamais finir

... offrir sur la vitre
la première buée. Tu rêverais
uniquement d'être ici en avril,
tu n'esquisserais que les initiales
des prénoms que tu aimes, et toujours
ce serait, venant vers toi,
le vent pur, les nuages, l'écume...

... offrir un peu d'eau
qui croupit au bas des trottoirs.
A peine entre les mains
tu ne dirais plus qu'elle est sale,
tu t'en laverais le visage,
tu écouterais à l'instant
ce bruit de source où le ciel se découvre...

... offrir un papier
froissé, jeté. L'origine perdue, les lettres
devenues grises, l'encre et la pluie
mélangées à la terre, chaque ligne,
chaque tache, tu les déchiffrerais,
tu les rendrais arborescentes,
tu en ferais le début d'un poème...

... offrir une graine
tombée de l'érable, écrasée.
Tu la tiendrais au bout des doigts,
il te viendrait un souffle
déjà pour disjoindre tes lèvres
en épelant le mot « samare »
et partir, partir très loin avec elle...

... offrir un fragment
d'écorce, quel que soit l'arbre,
mais de préférence un bouleau,
la plus fragile. Sans cesse,
en le pressant, tu ranimerais le regard,
tu sentirais en plein essor
le tronc clair qui frémit...

... offrir un caillou
que tu ne prends que pour le reposer
dans le lit du torrent. Tu saurais bien
quelle est ta place à genoux sur la rive,
la sienne aussi entre tant d'autres
au milieu des remous, toi silencieux,
lui lumineux ensemble...

…offrir dans le sable
ces empreintes d'oiseaux
que la brise interprète en effaçant.
Tu ne pèserais plus,
sans savoir où, te saisirait
le claquement d'une aile,
tu ruissellerais sous la vague...

samedi 5 janvier 2008

Christian Hubin nous parle de la poésie de Pierre Dhainaut.

L'errance de Pierre Dhainaut, on en mesure aujourd'hui l'avance magnétisée. Plus elle va, plus cette poésie s'allège, plus elle s'éprouve aussi, sauvée, semble-t-il, de ne plus chercher réponse, d'être en quête sans rien attendre... la dispersion s'est faite don ; la fusion, accord et recueillement. Le souffle est comme retenu, le halo a grandi autour de la présence. Une sorte d'acquiescement, un être infusé dans l'haleine du monde... Le je (...) n'est plus ici que le pronom du Tout, le signe d'emprunt de l'Autre. Présence et absence confondues, être et lieu unis, dans les sables du Nord ou les cols de la Chartreuse.
Christian Hubin, La Forêt en fragments, José Corti, 1987