mercredi 26 septembre 2007

Interview, partie 5 : Les lieux et les souffles


Deux paysages fortement contrastés vous ont particulièrement inspiré : les plages du nord et le massif de la Grande Chartreuse. Ont-ils été pour vous complémentaires ? A quelles aspirations répondaient-ils ?

Oui, ils sont complémentaires. L’Aubrac que j’aime n’est pas très différent des plages. L’aspiration est alors celle du dépouillement. Je retrouve aussi le dépouillement en montagne, mais différemment : il s’agit d’une initiation, d’un dépouillement progressif, par étapes ou par étages - on va du boisé à l’alpage, puis à la pierre nue. Lorsqu’on atteint le sommet, on a l’impression qu’on a mérité la dilatation des cimes. Sur la plage, je fais plutôt l’apprentissage des grandes forces naturelles, les marées et les vents. En réalité, c’est moins un dépouillement qu’un arasement.

Une fois que j’ai évoqué les lieux qui m’ont marqué, je n’ai plus besoin d’en parler, ils sont en moi, présents, même si mes textes n’entretiennent aucun rapport direct avec eux. Parfois, certains mots apparaissent, « arbre », « pierre », « écorce », « eau », et l’auteur sait très bien d’où ils viennent. Quand je parle de « pierres » et d’ « arbres », il s’agit de pierres et pour la plupart d’arbres de Chartreuse.


A l’âge de vingt ans, c’est à Dunkerque que j’ai eu mes premiers vrais contacts avec la mer et le rivage. Mais ce contact était encore ambigu. On ne pouvait pas venir ici sans voir les ruines, la guerre… Le monde naturel et l’Histoire rivalisaient.

Qu’avez-vous retenu de vos découvertes des spiritualités orientales ?

Ces découvertes ont été beaucoup plus sensibles qu’intellectuelles, je les dois à certains poètes, par exemple Octavio Paz.

J’ai lu quelques ouvrages sur le zen, il ne s’agissait pas de savants traités, je pense à l’art des bouquets ou des jardins, au tir à l’arc, à la cérémonie du thé. Ensuite, j’ai lu des anthologies du haïku, j’ai entendu la musique du shakuhachi. Encore aujourd’hui je ne puis écouter vingt secondes de cette musique sans en être aussitôt, comment dire ?... recueilli, épanoui. J’aime particulièrement les flûtes, qu’elles soient du Japon comme le shakuhachi, de l’Inde ou de l’Iran : mes poèmes s’en souviennent, que les souffles animent, les souffles qui rappellent que nous ne sommes que de passage, qui pourtant invitent à la présence au monde.

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